Le vent froid la nuit... Le vent froid de la nuit souffle à travers les branches Et casse par moments les rameaux desséchés ; La neige, sur la plaine où les morts sont couchés, Comme un suaire étend au loin ses nappes blanches.
En ligne noire, au bord de l’étroit horizon, Un long vol de corbeaux passe en rasant la terre, Et quelques chiens, creusant un tertre solitaire, Entre-choquent les os dans le rude gazon.
J’entends gémir les morts sous les herbes froissées. Ô pâles habitants de la nuit sans réveil, Quel amer souvenir, troublant votre sommeil, S’échappe en lourds sanglots de vos lèvres glacées ?
Oubliez, oubliez ! Vos cœurs sont consumés ; De sang et de chaleur vos artères sont vides. Ô morts, morts bienheureux, en proie aux vers avides, Souvenez-vous plutôt de la vie, et dormez ! dormez...
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La dernière vision... Un long silence pend de l’immobile nue. La neige, bossuant ses plis amoncelés, Linceul rigide, étreint les océans gelés. La face de la terre est absolument nue.
Point de villes, dont l’âge a rompu les étais, Qui s’effondrent par blocs confus que mord le lierre. Des lieux où tournoyait l’active fourmilière Pas un débris qui parle et qui dise : J’étais !
Ni sonnantes forêts, ni mers des vents battues. Vraiment, la race humaine et tous les animaux Du sinistre anathème ont épuisé les maux. Les temps sont accomplis : les choses se sont tues.
Comme, du faîte plat d’un grand sépulcre ancien, La lampe dont blêmit la lueur vagabonde, Plein d’ennui, palpitant sur le désert du monde, Le soleil qui se meurt regarde et ne voit rien... |
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Les Rêves des mort... Vois ! cette mer si calme a comme un lourd bélier Effondré tout un jour le flanc des promontoires, Escaladé par bonds leur fumant escalier, Et versé sur les rocs, qui hurlent sans plier, Le frisson écumeux des longues houles noires. Un vent frais, aujourd’hui, palpite sur les eaux, La beauté du soleil monte et les illumine, Et vers l’horizon pur où nagent les vaisseaux, De la côte azurée, un tourbillon d’oiseaux S’échappe, en arpentant l’immensité divine. Mais, parmi les varechs, aux pointes des îlots, Ceux qu’a brisés l’assaut sans frein de la tourmente, Livides et sanglants sous la lourdeur des flots, La bouche ouverte et pleine encore de sanglots, Dardent leurs yeux hagards à travers l’eau dormante. Ami, ton coeur profond est tel que cette mer Qui sur le sable fin déroule ses volutes : Il a pleuré, rugi comme l’abîme amer, Il s’est rué cent fois contre des rocs de fer, Tout un long jour d’ivresse et d’effroyables luttes. Maintenant il reflue, il s’apaise, il s’abat. Sans peur et sans désir que l’ouragan renaisse, Sous l’immortel soleil c’est à peine s’il bat ; Mais génie, espérance, amour, force et jeunesse Sont là, morts, dans l’écume et le sang du combat... |
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